Relations contractuelles post-Covid

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Quelques réflexions sur les relations contractuelles post-Covid

La pandémie Covid-19 a confirmé ou révélé un risque d’insécurité juridique importante dans les relations contractuelles, notamment pour les relations entre professionnels.

Le constat a été fait sur que de nombreux contrats entre professionnels, et entre professionnels et particuliers n’incluaient pas, ou imparfaitement, de clause réglant contractuellement un litige né de la situation inédite qu’a connu la France à compter du mois de mars 2020, en cas notamment d’une pandémie.

Il convient de tirer les leçons de la crise sanitaire pour encadrer de manière plus sûre et plus satisfaisante, les relations contractuelles et plus spécifiquement les relations commerciales dans l’hypothèse probable où une situation similaire devait se reproduire.

Cette note a pour but d’attirer l’attention de l’entrepreneur sur deux éléments principaux, qui sont d’une part l’insertion d’une clause dite de force majeure dans les contrats, et d’autre part, de la nécessité de s’interroger sur l’opportunité de souscrire une assurance pertes d’exploitation incluant ce risque.

1/ L’insertion par l’entrepreneur d’une clause dite de force majeure dans ses contrats :

En droit français la force majeure est définie à l’alinéa 1er de l’article 1218 du code civil :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

En cas de litige devant une juridiction, il est vérifié si ces critères sont remplis et il en est tiré les conséquences conformément à l’alinéa 2 du même article :

« Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat.

Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 ».

  • L’article 1351 du code civil dispose : « L’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure. » 
  • L’article 1351-1 du code civil dispose : « Lorsque l’impossibilité d’exécuter résulte de la perte de la chose due, le débiteur mis en demeure est néanmoins libéré s’il prouve que la perte se serait pareillement produite si l’obligation avait été exécutée. Il est cependant tenu de céder à son créancier les droits et actions attachés à la chose. »

En d’autres termes, en application du droit civil, la caractérisation de la force majeure et ses conséquences dépendent largement de l’appréciation du juge au cas par cas des Juges qui entraîne une insécurité certaine et préjudiciable pour l’entrepreneur.

L’entrepreneur prend un risque en n’insérant pas une clause de force majeure dans le contrat, en laissant le droit civil s’appliquer avec une interprétation et une qualification judiciaire.

Dans cette hypothèse, l’aléa sur l’issue du litige est important.

Pour tenter d’échapper à cette incertitude et à tout le moins de limiter cet aléa, les parties contractantes peuvent prévoir une clause de force majeure.

La validité de la clause de force majeure ne soulève aucune difficulté dans les contrats d’affaires en application du principe pacta sunt servanda (« les pactes doivent être respectés ») et du caractère supplétif des dispositions du droit commun des contrats par rapport à la volonté des parties.

Cela signifie que le droit civil en matière contractuelle ne s’applique que si les cocontractants n’ont pas prévu de clause qui viendrait régler la situation litigieuse.

L’attention des entrepreneurs doit être attirée sur l’importance de la rédaction de la clause et notamment sur la définition de la force majeure. :

  • Une définition plus générale de la force majeure que celle prévue par le code civil permettra d’englober un nombre plus important de situation pouvant être réglées par la clause,
  • Alors qu’une définition plus restrictive enfermera un nombre moindre de situations qui pourront se résoudre par la simple application de la clause.

L’entrepreneur peut, selon le champ contractuel et la situation qu’il veut prévoir, avoir un intérêt à appliquer à la situation litigieuse, tantôt une définition plus générale, tantôt une définition plus restrictive de la force majeure.

La clause de force majeure devra préciser les exigences accompagnant le déclenchement de son application, notamment les conditions formelles de mise en œuvre de la clause.

Elle devra également indiquer si des preuves doivent être communiquées en même temps que l’information et quels types de preuves sont admis.

Le contrat pourra prévoir le délai dans lequel cette information doit être donnée.

L’intérêt de l’insertion d’une clause est aussi d’encadrer les effets de la force majeure, soit en les aggravant, soit en les allégeant.

Le contrat peut préciser la durée des effets de la force majeure : par exemple, le contrat peut permettre aux parties de convenir d’une date de reprise des obligations après l’événement qualifié de force majeure ou même d’une date de fin des effets de la force majeure.

Le contrat peut également préciser si les effets sont ou non automatiques ou s’ils doivent être précédés d’une tentative de négociation.

Il reste impératif que la clause de force majeure ne porte pas atteinte au droit de la consommation lorsqu’il s’agit d’un contrat conclu entre un professionnel et un particulier, sous peine d’être réputée non écrite.

Dans cette hypothèse, c’est le droit civil qui s’appliquerait à la situation litigieuse, avec le risque d’une procédure contentieuse et le retour d’une forme d’aléa.

La rédaction de la clause de force majeure doit être très rigoureuse, adaptée, personnalisée et minutieuse, tout comme la clause permettant à l’entrepreneur d’être indemnisé par son assureur en cas de pertes d’exploitation.

2/ La nécessité pour l’entrepreneur de s’interroger sur l’opportunité de souscrire une assurance pertes d’exploitation :

Avec le confinement et les fermetures ou restrictions administratives, de nombreuses entreprises ont subi des pertes d’exploitation du fait de l’interruption ou de la suspension partielle ou totale de leur activité.

L’objet de l’assurance pertes d’exploitation, qui est optionnelle, est de faire face à l’arrêt accidentel de l’activité et d’indemniser les pertes subies en raison de la diminution du chiffre d’affaires.

La crise liée à la pandémie de Covid-19 présente une spécificité : elle a eu pour effet une perte d’exploitation sans causer de dommages matériels aux commerces. Pour cette raison, de nombreuses sociétés d’assurance refusent de garantir les conséquences financières de la pandémie.

D’après l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, seules 7% des entreprises pourraient être couvertes contre les pertes financières subies lors de la crise sanitaire.

Plusieurs décisions juridictionnelles ont été rendues pour déterminer si les compagnies d’assurance doivent prendre en charge les pertes d’exploitation des commerces, en raison de l’interdiction d’accueil du public.

Des divergences d’interprétation par les juridictions existent, parfois sur la même clause. La diversité rédactionnelle des contrats rend toute analyse contractuelle complexe.

En effet, les garanties pertes d’exploitation sont rédigées de différemment selon les contrats.

Il n’est pas possible de formuler une observation générale quant à la couverture des pertes d’exploitation liées aux fermetures décidées par l’État pour endiguer la Covid-19.

En revanche, il est important de s’interroger aujourd’hui sur la nécessité pour l’entrepreneur de souscrire une assurance pertes d’exploitation dans l’hypothèse où une situation similaire devait se reproduire.

Le contrat d’assurance doit être choisi avec une attention particulière, notamment concernant les définitions et les conditions d’application du contrat.

La rédaction de la garantie relative à la perte d’exploitation doit prévoir son périmètre, la nature des dommages couverts, les exclusions ciblées, les plafonds propres à chaque contrat, les conditions variées de la garantie….

Il convient souvent de privilégier les contrats dits « dommages indirects », qui sont les plus favorables en cas de pandémie puisqu’ils visent à indemniser l’assuré en l’absence de tout sinistre matériel sur le bien objet du contrat.

Le contrat d’assurance est souvent un contrat d’adhésion mais l’entrepreneur doit impérativement comprendre et décrypter le projet qui lui sera proposé pour en vérifier au préalable l’applicabilité et la cohérence avec sa situation et son risque.

L’entrepreneur pourra utilement solliciter l’expertise et les conseils de son avocat.

  • Jean BOISSON : Avocat-associé, Chambéry

    Jean BOISSON

    Avocat associé j.boisson@srconseil.fr
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